Le graphisme suisse, un style intemporel
Le graphisme suisse, ou également connu sous le nom de « style typographique international », est un courant du design graphique développé en Suisse dans les années 1950. Il se caractérise par l’emploi de la grille, la création de police de caractères ainsi que d’une recherche absolue de lisibilité et de structuration par la suppression de tout élément décoratif.
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La naissance d’un style graphique nommé « suisse »
Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, des réflexions fortes émergent sur le territoire suisse, celle de l’identité visuelle, des besoins de communication et de marketing. En effet, la société recherche de la simplicité, de la pureté, un langage visuel plus immédiat, qui correspond à l’ère de consommation de masse dans laquelle elle évolue. Le style suisse apporte alors une solution à ces questions, en voulant se tourner vers le futur et le modernisme tout en restant neutre et universel.
Au coeur de ce nouveau courant, il y avait deux designers suisses, les deux fondateurs, Josef Müller-Brockmann et Armin Hofmann. Tous les deux exerçaient respectivement la profession d’enseignant à l’école des Arts et Métiers de Zurich et à l’école de Bâle. Avec leurs enseignements, ils commencèrent par réduire la communication visuelle à l’essentiel avec pour objectif la clarté du message, la simplicité des formes et l’effacement du style illustratif. Ces deux fondateurs de ce style ont puisé dans les théories et mouvement artistiques du début des années 20, comme le Bauhaus et le Constructivisme ou encore le DeStijl.
Quoi qu’il en soit, leur travail avait en commun d’être caractérisé par une composition dépouillée et structurée, la précision des détails, et de la création et l’usage de polices sans empattements (explication plus bas). C’est ainsi que les pionniers du graphisme suisse ont imposé leurs règles, immédiatement reconnaissables et qui constituent toujours le fondement du design graphique en Suisse et un peu partout dans le monde (Europe et États-Unis).
Des polices et des techniques d’écriture qui ont fait le tour du monde
En typographie, une police d’écriture est un ensemble de caractères représentants visuellement un alphabet. Il en existe différents types, toutes répertoriés dans le classement Vox-Atypi, dont notamment les polices d’écritures sans sérifs, autrement dit sans « empattements », sans petites « extensions » autour des pieds de lettres ou sans « batons », apparues aux XIX siècle.
Pourtant, c’est à un suisse, Max Miedinger, que l’on doit l’une des polices sans empattements les plus célèbres et utilisés encore aujourd’hui dans le monde. Helvetica est une police sans sérifs créée en 1957 à Bâle qui a pour but d’être la plus harmonieuse possible. Elle va par la suite devenir le symbole de la typographie suisse, de par sa grande lisibilité et son tracé neutre, en se retrouvant sur de nombreux panneaux publicitaires, des menus, des panneaux de rue ou encore de train. Si les CFF (chemins de fer suisse) l’ont adopté dans les années 70 pour renforcer leur identité visuelle, elle est va aussi devenir une vingtaine d’années plus tard, celle du métro new-yorkais en 1989.
Avec le succès de la Helvetica, on pourrait en arriver à penser que c’est la seule police sans empattements créé durant le style international. Mais pas du tout ! Le typographe Adrian Frutiger à lui aussi conçu une police sans empattements, l’Univers. C’est la première police de caractères à être déclinée en diverses variantes et graisses. Elle va avoir un grand succès à sa sortie grâce à sa lisibilité et son élégance. Cependant, une de ces variantes conçue dans les années 70, va le mieux traversé le temps et le monde. C’est la police Frutiger (d’Adrian Frutiger !), qui va être utilisée dans de nombreux lieux à l’international, comme par exemple pour la signalétique de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle et sur toutes les autoroutes de France. Aussi, bien d’autres polices de ce graphiste légendaire sont encore utilisées comme pour la signalétique de Disney World.
Mais le graphisme suisse ne s’est pas fait connaitre seulement avec ses créations typographiques. Leur réflexion rationnelle, voir mathématique va amener un certain Josef Müller-Brockmann à théoriser la « grille typographique » dans les années 1960 avec son ouvrage Grid Systems in Graphic Design.
Celle-ci permet d’obtenir des mises en pages « idéales », que ce soit dans la lisibilité, la circulation des blancs, du rythme, ou dans la variété. Avec la grille typographique, tous les composants (texte et image) s’équilibrent naturellement. Dans ce genre de composition d’ailleurs, la typographie devient un élément principal qui structure la mise en page, et non uniquement un élément utilisé pour le texte.
Ces principes sont encore à la base de la création d’affiches, de livres, de couvertures de livres, de publicité et d’affiches dans le monde entier.
Une fierté nationale et un héritage international
Aujourd’hui, le style suisse maintient encore une forte présence dans l’esprit du design à l’échelle mondiale. Ses polices et outils sont encore abondants en design de logo, de mise en page, ou de typographie. Et l’on retrouve de nombreuses affiches typographiques qui peuplent nos rues, témoignant d’un retour vers l’héritage du style suisse tout en restant contemporaines et adaptées à la société dans laquelle nous vivons.
L’un des designers graphiste suisse qui a le mieux réussit à l’étranger est sans aucun doute Ruedi Baur. II enseigne et fait des conférences en France et est le créateur d’identités visuelles de bâtiments comme le Centre Pompidou, The New School, ou même de villes entières, parmi lesquelles, Lyon, Nancy, ou encore Metz.
Pour en savoir plus sur Ruedi Baur, ses travaux et sa vision du graphisme, nous vous recommandons d’aller lire l’interview de TLmag réalisé dans l’atelier parisien du graphiste !
Cependant, il existe aussi plusieurs compétitions internationales qui mettent en lumière d’autres graphistes helvétiques spécialisés dans le domaine de l’affichage et de la communication visuelle. On y retrouve le European Design Awards, l’International Poster Triennal (Toyama, Japon) ou le 100 Beste Plakate (réserve aux pays germaniques).
À côté de ça, des plateformes qui ont comme but de favoriser la mise en relation entre graphistes tout en donnant de la visibilité à leurs créations ont vu le jour. Ainsi le site internet Swiss Graphic Design Index recense – par villes et par artistes – de nombreuses affiches créées aujourd’hui. Et de nombreux posters d’origine suisse sont présentés sur typographicposters.com.
Enfin, un festival est dédié tous les ans au design graphique : le Weltformat Graphic Design Festival à Lucerne. On y trouve des expositions, des concours et des conférences avec des graphistes de tous les horizons. Cet évènement veut initier un large public aux arts visuels et aux déclinaisons infinies de la communication graphique et pourquoi pas donner envies aux futures générations de devenir de grand graphiste !
Ce désir de simplicité et de minimalisme porté fièrement par le graphisme suisse est l’une des premières inspirations de notre studio, d’où il tire son accroche « Loin avec Rien ». Cette vision du design a beau remonter il y a plus de soixante dix ans, elle est encore bien d’actualité et correspond parfaitement aux attentes des consommateurs : retourner à l’essentiel.
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Maïlys Koebel, Cheffe de projet chez Chameau Blanc.